La France: Amiens

Le Rectorat d’Amiens

L’INSPE d’Amiens, Université de Picardie Jules Verne

L’INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation) de l’Académie d’Amiens est un institut public de l’Université Jules Verne Picardie (UPJV) qui forme à des diplômes de master professionnel « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF). Au service d’une population de 2000 étudiant.es réparti.es sur trois sites dans la région des Hauts-de-France (Amiens, Beauvais et Laon), l’INSPE propose des cursus qui allient la pratique à la théorie grâce au caractère fédérateur de notre infrastructure. Enseignants-formateurs et enseignants-chercheurs de différents collèges et professionnels de terrain se rejoignent pour offrir aux candidats une formation polyvalente et complète. 

Campus Citadelle de l’UPJV

Les diplômes MEEF sont proposés pour chacun des niveaux de l’enseignement public, organisés en deux degrés: primaire (de la maternelle au CM2), et secondaire (de la 6ème à la terminale). Les étudiants de l’INSPE qui obtiennent un diplôme d’enseignant du second degré suivent également des cours dans d’autres collèges de l’université en fonction de leur discipline d’enseignement. Les enseignements préparent également à la rédaction du mémoire de master et aux concours nationaux (CRPE, CAPES, etc.). L’INSPE de l’académie d’Amiens comptait un taux de réussite de 75% (primaire) et 50% (secondaire) en 2020. Certains candidats (y compris les candidats externes) peuvent se présenter au concours de l’agrégation et devenir admissibles à enseigner dans l’enseignement supérieur.

Contexte d’une Région

L’INSPE de l’académie d’Amiens dessert la région des Hauts-de-France, la troisième plus peuplée de la France continentale et avec la deuxième population la plus jeune (en 2015). Un certain nombre de défis se posent dans cette région : en 2019, le taux de chômage était le plus élevé du pays (10,4 %) ; les taux d’analphabétisme fonctionnel sont supérieurs à la moyenne (11 %) ; les résultats aux tests restent inférieurs aux moyennes nationales à l’entrée dans l’enseignement secondaire ; et un nombre élevé d’élèves ayant des besoins particuliers et d’élèves à faible revenu est également constaté. Les taux d’allophonie et de multilinguisme, en hausse à l’échelle nationale, constituent également un défi pour les pratiques d’enseignement actuelles. Les chiffres ministériels de 2016 indiquent que le département de l’Oise (qui fait partie de la région Hauts-de-France et se trouve dans la circonscription de l’Académie d’Amiens) affiche un nombre d’élèves allophones inscrits supérieur à la moyenne (un peu plus de 1 pour 100, contre 0,62 au niveau national). Si le multilinguisme peut être constaté à travers ces statistiques et d’autres sur l’immigration (densité moyenne dans les centres urbains des Hauts-de-France, mais taux inférieurs à la moyenne dans les zones rurales, selon un rapport de l’INSEE de 2016), ces chiffres ne prennent pas en compte les compétences en français des élèves migrants, ni ne suivent les ressortissants français multilingues qui pourraient avoir besoin d’un soutien en français langue de scolarisation (FLSco).

Expertise dans les thèmes du projet

Dans la région, un certain nombre de programmes sont en place pour répondre à ces difficultés par la différenciation pédagogique et l’encouragement à la mobilité sociale de notre population étudiante, y compris des bourses de recherche-action grâce à un programme de financement décennal intitulé 100% Inclusion, un Défi, un Territoire, qui a été attribué à l’UPJV l’année dernière. La subvention concerne également les académies de Caen, Rouen et Lille (cette dernière se trouvant également dans la région des Hauts-de-France). Si ce programme considère l’allophonie comme un besoin particulier, les subventions restent restrictives et ne concernent pas directement la formation à grande échelle des enseignants et des futurs enseignants.

Dans le cadre des cursus, l’INSPE de l’Académie d’Amiens propose également un certain nombre de programmes qui soutiennent la mobilité des étudiants et abordent des thèmes spécialisés par le biais de formations certifiantes. Un parcours international propose la préparation d’un diplôme international MEEF du premier degré dans lequel les candidats effectuent des travaux de cours et de recherche pour des mémoires de master dans d’autres langues européennes et effectuent des stages dans des établissements d’enseignement à l’étranger. Une formation optionnelle en FLE (français langue étrangère) est proposée aux étudiants du MEEF (environ 20 heures). Dans le parcours international, les étudiants sont encadrés par des formateurs spécialisés en FLS (français langue seconde), FLE et FLSco pour mener à bien des projets d’études. Une formation au nouveau certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement français à l’étranger (CAPEFE) est également proposée. Les stagiaires sont amenés à développer une compréhension du multilinguisme dans le contexte de la francophonie en questionnant le statut linguistique, ou la géopolitique de la Francophonie, etc.

Lieux de stages du MEEF parcours international (INSPE-UPJV)

La mobilité des étudiants est également soutenue au niveau local (parcours PPM2E et EFME) où des étudiants en licence sont sélectionnés pour suivre des cours et des stages dans les classes, acquérant ainsi une expérience professionnelle de première main, avant d’intégrer le programme MEEF.

À partir de l’année scolaire 2021, un tout nouvel ensemble de cours a été proposé. Parmi ceux-ci, deux cours optionnels de deux ans ont été développés : Allophonie, francophonie et International, plurilinguisme et interculturel. Les cours nécessitent un travail sur le terrain où les étudiants sont amenés à observer, enregistrer et analyser des observations en classe liées à l’allophonie et au multilinguisme en menant des projets en classe. Les projets finaux des étudiants aboutissent à des recommandations pédagogiques et/ou didactiques en année 1 et à des applications concrètes en année 2. Les projets en classe comprennent, par exemple, des paysages linguistiques et des biographies de langues, versions pilotes des livrables proposés dans le WP4 (voir ici). Ces cours comprennent des méthodes expérimentales et innovantes qui placent les étudiants dans des situations réelles et actionnelles dans la salle de classe. Les étudiants sont amenés à chercher des solutions concrètes aux défis qu’ils observent personnellement tout en apprenant à remettre en question leurs propres représentations et compréhension des pratiques linguistiques dans leurs communautés éducatives.

Les questions de multilinguisme dans la région sont depuis longtemps un sujet de recherche à l’UPJV. La circonscription de l’académie d’Amiens correspond à la région historique de Picardie où le picard, langue autochtone de France, fait l’objet de recherches sur les variations et les contacts linguistiques, ainsi que d’approches critiques en sociolinguistique depuis 1971 avec la création du Centre d’études picardes. Les études sur le picard, le multilinguisme régional, l’éducation multilingue et interculturelle sont aujourd’hui portées par le laboratoire CERCLL. Plusieurs séminaires de mémoires MEEF autour des thèmes du plurilinguisme, de l’allophonie, de l’interculturalité et de la pédagogie innovante sont actuellement proposés pour l’ensemble des parcours.

Besoins en éducation alloglotte et multilingue

Alors que l’INSPE a commencé à mettre en place des programmes de cours, de recherche et de certification sur les questions d’allophonie et de multilinguisme dans la communauté éducative de notre Académie, les projections de croissance continue des migrations à l’échelle nationale, ajoutées à des taux d’allophonie plus élevés que la moyenne et à des risques socio-économiques préexistants au niveau local, indiquent une infrastructure éducative qui a besoin d’un soutien supplémentaire. En 2016, une étude de l’INSEE a recensé 2 570 élèves allophone nouvellement arrivés. Parmi eux, 86 % ont bénéficié d’une forme ou d’une autre de soutien institutionnel. Encore une fois, ces chiffres ne prennent pas nécessairement en compte les élèves français multilingues nés dans le pays, ni les élèves francophones migrants, qui ont besoin d’un soutien en FLS/co. Ces populations sont en partie rendues invisibles par leur niveau de compétence variable en français oral, ce qui occulte le besoin de soutien en FLS/co. Des études montrent qu’un nombre proportionnellement plus élevé d’allophones sont orientés vers l’enseignement secondaire professionnel plutôt que vers des filières plus prestigieuses.

Dans un contexte plus large, on estime qu’un Français sur quatre a grandi en entendant ou en parlant une autre langue que le français dans son foyer. D’après une des dernières enquêtes officielles sur les pratiques linguistiques en France, on estime à 400 le nombre de langues parlées en France, en comptant bien sûr les départements et collectivités d’outre-mer. La France, qui est l’un des pays d’Europe les plus diversifiés sur le plan linguistique, maintient une politique d’une nation et d’une langue, constitutionnalisée depuis 1992. Cette position constitue un obstacle à la ratification de la Charte des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe, ainsi qu’à l’adoption de lois nationales élargissant les droits des langues régionales (par exemple, la récente controverse sur la loi ‘Molac’) ou de programmes promouvant l’enseignement en langue étrangère des principales langues d’immigration comme l’arabe (par exemple, la récente controverse sur les recommandations du président Macron d’octobre 2020). Les programmes nationaux ne mentionnaient pas explicitement l’allophonie et le multilinguisme jusqu’à la réforme de 2015, ce qui signifie que la majorité des enseignants actuellement en fonction n’ont pas bénéficié d’une formation spécifique.

Le terrain linguistique et politique observé en France fait que, d’une part, l’allophonie et le multilinguisme sont plus omniprésents que ne le prévoit la formation des enseignants et que, d’autre part, le climat politique est peu propice à la mise en place des formations nécessaires, les efforts récents étant encore mineurs et n’ayant pas encore été mis en œuvre à grande échelle. L’INSPE de l’Académie d’Amiens englobe des zones fortement marquées par l’allophonie et théoriquement par le multilinguisme, que l’on ne peut qu’estimer de façon oblique à travers les chiffres croissants de l’immigration. Compte tenu de ces faits, la nécessité de former les futurs enseignants et, surtout, les enseignants actuellement en fonction, est essentielle pour combler les lacunes éducatives et inverser les facteurs de risque actuels.

Aller au contenu principal